Mise à jour le 2 février 2021 par matbios
Le Trade Marketing, traduit littéralement en français par marketing du commerce est une notion née aux Etats-Unis au début des années quatre-vingt-dix.
Depuis son apparition d’autres notions proches lui ont été assimilées : le Category Management, l’ECR ou encore le merchandising.
Qu’en est-il aujourd’hui de ce concept qui va bientôt fêter ses 20 ans ?
Table des matières
La naissance d’un concept
Le Trade Marketing est né du constat qu’industriels et distributeurs ne plaçaient pas le consommateur au centre de leurs stratégies. Les industriels raisonnaient en marketing consommateur et marketing de masse et les distributeurs, quant à eux raisonnaient en termes de marketing de masse et marketing enseigne.
Le début des années 90 a été marqué par l’apparition de deux phénomènes majeurs : la progression du » hard discount « , et l’évolution du comportement des consommateurs qui sont apparus comme étant de moins en moins fidèles aux marques et aux enseignes. Ces phénomènes ont été accrus par une baisse de la consommation et une « saturation » des marchés durant cette période.
Dans ce contexte de crise, industriels et distributeurs ont dû trouver une solution pour sortir leur épingle du jeu. Ils ont adaptés leurs modes de fonctionnement en vue d’atteindre plus efficacement le client final. Les distributeurs ont ainsi orienté leurs raisonnements marketing en termes de cible, positionnement et stratégie d’enseigne. Les industriels quant à eux ont plutôt orienté leurs stratégies vers un marketing du distributeur c’est-à-dire mieux connaître leur client intermédiaire que sont les distributeurs. C’est la naissance du Trade Marketing. Selon Claude Chinardet[1], « le Trade Marketing est né de l’idée que pour satisfaire le consommateur, le fabricant doit utiliser pour vendre sa marque et son produit les circuits de distribution et que ces derniers ont besoin à leur tour des fabricants pour satisfaire leurs clients ». Rien de nouveau finalement dans cette définition. Elle s’inscrit au cœur de la définition même du commerce : un commerçant s’approvisionne à travers un fournisseur et tous deux ont pour objectif de satisfaire leur clientèle. Pour A. et A. Zeyl[2], avant toute opération de Trade Marketing, un industriel doit prendre en compte les contraintes structurelles de son client, et plus particulièrement son organisation centralisée. Le fondement d’un commerçant n’est-il pas de connaître son client ? Existe-t-il encore des industriels qui ignorent le fonctionnement, les structures, la stratégie et le positionnement des enseignes et des distributeurs ? La situation dans les entreprises laisse à penser que ce besoin est bien réel s’il l’on prend en compte le nombre de postes consacrés à des fonctions de Trade Marketing dans les entreprises.
Des champs d’application vagues
Si le Trade Marketing consiste à faire comprendre à l’industriel que ses intérêts envers le distributeur ne sont pas divergents mais au contraire convergents comment cela se traduit-il ?
J. Lévy et D. Lindon[3], énumèrent trois domaines dans lesquels se développe le Trade Marketing :
L’organisation logistique :
En échangeant leurs informations et en gérant conjointement leurs systèmes de gestion, transport et stockage, industriels et distributeurs peuvent réaliser d’importantes économies. L’EDI[4] a ainsi été mis en place. Il s’avère être la solution permettant de rationaliser la gestion des flux, en améliorant notamment la logistique. Dans ce contexte le Trade Marketing est particulièrement intéressant pour les gros volumes c’est-à-dire les articles pondéreux, à forte rotation et souvent à faible marge brute. Il accélère les rotations « juste à temps » à condition que les deux parties soient compatibles, que le réseau choisi convienne à tous les intervenants et que chacun respecte ses engagements.
De plus, le Trade Marketing s’inscrit dans une démarche ECR[5]. Plus qu’un concept, l’ECR est un ensemble de pratiques qui visent à améliorer la mise à disposition des produits pour le client. Industriels et distributeurs réfléchissent ensemble à la mise en place d’outils dans le but d’à la fois accroître la satisfaction du client final et de réduire les coûts sur l’ensemble de la chaîne en agissant sur deux leviers : l’offre (EDI et flux logistiques) et la demande (lancements de nouveaux produits, promotions et assortiment). Ainsi, par exemple pour mieux satisfaire leurs consommateurs, Casino et L’Oréal ont travaillé ensemble pour limiter les ruptures en magasin[6]. Les partenaires ont alors étudié les innovations du groupe qui seraient susceptibles d’avoir les plus forts taux de rupture. Il s’agit d’une relation gagnant-gagnant. L’industriel améliore ses investissements en optimisant ses linéaires. Le distributeur, quant à lui, se différencie des autres enseignes grâce à ces nouveautés et améliore son image de modernité et de service auprès de ses clients.
La coopération en matière de merchandising :
Le fournisseur se place en « expert » sur la catégorie de produits où il est présent. Son objectif sera de proposer au distributeur un nouvel ajustement du linéaire afin de l’optimiser au maximum par un bon merchandising. Industriels et distributeurs doivent s’accorder sur les parts de linéaires alloués aux produits sachant que l’industriel raisonne en terme de parts de marché et le distributeur prend en compte la rentabilité et les rotations des produits. Cette situation engendre souvent des situations de conflit et amène les enseignes de distribution à élaborer de plus en plus leurs propres recommandations merchandising.
Les opérations promotionnelles conjointes :
Un fournisseur et une enseigne de distribution s’associent ponctuellement dans le cadre d’une opération promotionnelle dédiée afin de créer des retombées positives pour chacun des deux interlocuteurs.
Si les auteurs semblent s’entendre sur la définition de base du Trade Marketing et de ses origines, il parait plus difficile de s’accorder sur ses champs d’application. Claude Chinardet1 définit la fonction Trade Marketing de la manière suivantes : « La fonction Trade Marketing s’insère en amont de l’achat avec des objectifs majeurs. 1 – de permettre le construction des assortiments les plus judicieux, ayant balayé la logistique, le flux de marchandises, l’administration, la portion de marché, l’apport d’image, la mise en avant, la revente et plus globalement la recherche de partage des bénéfices marginaux. 2 – de faire vivre l’offre en linéaire : le merchandising, l’actualisation d’assortiments, l’approche par point de vente, l’activité promotionnelle et plus généralement la recherche de synergies opérationnelles avec l’industriel. ». Gaudérique Paris et Dominique Mouton[7] quant à eux voient à travers le merchandising la principale vocation du Trade Marketing. Cependant, elle serait aujourd’hui de plus en plus cantonnée aux opérations commerciales et promotionnelles dédiées par enseigne. Qui plus est, le Trade Marketing serait aujourd’hui confondu et englobé par une définition plus récente : celle du category management.
Le Trade Marketing aujourd’hui
Trade Marketing et Category Management
Le Category Management, en français management de la catégorie de produits repose sur une gestion commune entre fabricants et distributeurs des catégories de produit comme des ensembles opérationnels dans le but d’apporter le plus de valeur possible au consommateur. Serge Cogitore[8] le définit comme « un concept et un process entre un distributeur et un fournisseur qui permet de gérer les catégories en tant qu’unités stratégiques orientées consommateur en vue de lui délivrer une valeur ajoutée ». A travers le Category Management, le distributeur gère chaque catégorie comme une unité commerciale stratégique afin d’obtenir un avantage concurrentiel sur chacune d’entre elles. Tout comme le Trade Marketing, le Category Management repose sur un partenariat à travers le merchandising, la logistique et les promotions. Sur le site e-marketing.fr[9], le Category Management est défini comme « le marketing achats reposant sur le regroupement des produits en univers cohérents, puis sur la gestion de ces achats, de la logistique des approvisionnements, du merchandising et des actions promotionnelles en liaison permanente avec les caractéristiques observées de la vente des produits concernés. » Si les définitions et les champs d’application entre ses deux concepts sont similaires, pourquoi ne portent-ils pas la même appellation ?
Les concepts de Trade Marketing et de Category Management ont donné naissance à deux métiers respectifs : le responsable Trade Marketing et le Category Manager. En prenant en compte les définitions et taches à exécuter dans ces deux métiers, il est possible de comprendre la différence qui réside entre ces deux concepts.
Un Responsable Trade Marketing travaille selon l’Apec[10] du côté de l’industriel. Il est chargé de la conception et de la mise en place d’opérations promotionnelles ou d’évènements à proximité et sur le lieu où les produits sont vendus. Éric Guilloux, responsable du Trade Marketing chez Wilkinson a dit dans une interview pour l’Apec : « le Trade Marketing est à équidistance entre le marketing et le terrain ». Ses tâches vont de la définition de la stratégie promotionnelle pour des enseignes à la définition de stratégies merchandising en fonction des problématiques des enseignes en passant par la réalisation de supports de communication destinés aux forces de ventes.
Le métier de Category Manager quant à lui est plus centré sur les politiques d’assortiments mises en place conjointement entre enseignes et industriels et peut être exercé tant du coté de l’industriel que de celui du distributeur. Du point de vue de l’industriel, son rôle sera de conseiller les enseignes sur leur politique d’assortiment et de permettre sa mise en place et son organisation sur le point de vente. Du point de vue du distributeur, il s’agira de développer une stratégie d’assortiments conforme à la politique globale de l’enseigne. « Cela implique des actions liées au marketing, à la composition de l’assortiment, au choix des marques, à la politique de prix, aux promotions, à l’implantation des produits en magasin et à la logistique.» selon Isabelle Nojac, Responsable du développement du DPH (Droguerie, Parfumerie, Hygiène) chez Leclerc dans une interview donnée à Marketing Magazine[11]. Une démarche de Category Management débute à travers un partage de données entre industriel et distributeur, l’objectif étant que l’enseigne, sur la catégorie de produits déterminée, améliore ses ventes, ses marges et ses parts de marché[12]. Le Category Management s’avère être ainsi être l’application théorique des définitions du Trade Marketing. Comme l’évoque Sandrine l’Herminier dans le journal La tribune[13], « ce professionnel, qui s’emploie à dynamiser une catégorie entière de produits (et plus seulement sa marque ou son segment), se substitue peu à peu à la fonction de trade marketer, lequel se focalisait sur la promotion des ventes.» cette ambiguïté, ces deux métiers occupent une place à part entière dans l’organigramme des entreprises. C’est le cas par exemple d’une entreprise organisée d’une façon catégorielle (cf. figure 1) c’est-à-dire une entreprise où le Category Management, le Merchandising et le Trade Marketing agissent de façon autonome auprès des directions commerciales et marketing. C’est le cas par exemple de l’entreprise Nestlé dans sa division Herta où la direction marketing distribution n’est pas désignée de la sorte mais est appelée interface marketing-vente.
La promotion : Le domaine privilégié du Trade Marketing
Selon Claude Chinardet[14], si l’on devait résumer les champs d’application du Trade Marketing, on pourrait les résumer de la manière suivante :
o Le trade produit : le bon produit au bon moment
o Le trade prix : la marge arrière peut être l’occasion d’aller « dans le sens » du distributeur afin de répondre à ses objectifs
o Le trade promotion : mise en place d’action promotionnelles à l’image de l’enseigne et selon les périodes promotionnelles
o Le trade place : l’assortiment, les techniques de merchandising et la logistique
Dans des structures où les métiers de merchandiseur et/ou de Category Manager sont présents, les champs d’application du Trade Marketing sont plus limités. Il s’agit essentiellement de toutes les actions de revente auprès du consommateur final c’est à dire en d’autres termes des « avantages consommateurs » soit dans son contenu soit dans son contenant (cf. figure 2). Le contenu comprend toutes les opérations promotionnelles dédiées au consommateur : gratuit, lots, deuxième produit à moitié prix, couponning avec carte de fidélité, bon de réduction immédiate en caisse, bon de réduction différé, etc. Le contenant englobe la présentation du produit, les têtes de gondole, displays, opérations croisées avec d’autres fournisseurs, stop rayon, théâtralisation, échantillonnage, leaflet d’information produit, dégustation avec animatrice en linéaire etc.
Pour générer une opération de Trade Marketing, un responsable de Trade Marketing devra prendre en compte trois éléments :
- Des prix séduisants à travers une offre concrète
- La fidélisation du consommateur : elle est plus rentable pour les enseignes que la conquête de nouveaux clients
- Générer du trafic
Ainsi un trade marketeur est responsable du développement des ventes autrement dit il est l’interface entre le commercial et le marketing au service du consommateur. Il met à la disposition des vendeurs tout le matériel et l’offre associée pour optimiser et gonfler les volumes avec une accroche consommateur percutante.
Le Trade Marketing n’est ainsi pas la science révolutionnaire évoquée dans les années 90. Il a toujours existé des coopérations commerciales entre industriel et distributeur qui ont été régulées dès 1986 par la loi Dupin. Par ailleurs si l’on interroge un distributeur sur la définition du Trade Marketing, celui-ci reste sceptique. Ainsi, un directeur de Super U dans le sud ouest de la France n’a pas su définir ce concept et considère que les relations fournisseurs distributeurs sont des alliances subjectives dont l’objectif est pour le fournisseur le gagner de la part de linéaire sur les marques de distributeur. Pour un chef de secteur chez Auchan, le Trade Marketing se cantonne aux coopérations commerciales, le plus souvent limités à la PLV[15] et aux animateurs.
Cette fonction occupe tout le même une importance primordiale pour les marques et les enseignes. Elle permet à un produit de s’imposer et de perdurer dans un contexte concurrentiel important.
Pour conclure, on est bien loin aujourd’hui de voir appliqué le Trade Marketing comme l’entendaient les théoriciens des années 1990. Il se trouve d’ailleurs qu’il n’existe pas d’ouvrage récent ni d’article sur Internet retraçant les préceptes de ce concept. On parle aujourd’hui plus des métiers de Trade Marketeur et de Category Manager que des préceptes fondamentaux du Trade Marketing. Cependant, si le Trade Marketing existait réélement comme il avait été décrit dans les années 90, le meilleur exemple ne serait-il pas le partenariat entre entreprise et industriel concernant les MDD ?
BIBLIOGRAPHIE
- · Chinardet Claude, Le Trade Marketing, Les éditions d’oganisation, 1994
- · Cogitore Serge, Le Category Management : Comment optimiser sa stratégie commerciale en gérant des catégories de produits, Dunod, 2003
- · Lendrevie J., Lévy J. et Lindon D., Le Mercator, 8e édition, Dunod, 2006
- · Paris Gaudérique et Mouton Dominique, Pratique du Merchandising, 2e édition, Dunod, 2007
- · Picot Alain, Trade Marketing : Industriels-distributeurs : les voies de la coopération, Dunod, 1997
- · Zeyl Alferd et Annie, Le Trade Marketing ou la nouvelle logique des échanges producteurs distributeurs, Vuibert, 1996
Presse
- La tribune, les « category manager » émergent dans les entreprises, Sandrine L’Herminier, 30/07/2003
- LSA, Responsable de catégorie, un sport d’équipe, Philippe Le Corroler, n°1810, 17/04/2003
- LSA, Casino et L’Oréal luttent contre les rutpures, n°1994 19/04/2007
- Marketing Magazine, Où en est le Trade Marketing aujourd’hui ? Jean François Cristofari, n°35, 01/12/1998
- Marketing Magazine, Profession Category Manager, propos recueillis par Léna Rose, N°44, 01/11/99
- Marketing Magazine, Trade Marketing : un territoire qui s’élargit, Virginie Grolleau, n°67, 01/02/02
Article de recherche
- Benoun Marc et Heliès-Hassid Marie Louise, Category Management Mythes et réalités, revue française du Marketing, Juillet 2004, n° 198
Sur Internet :
- http://www.emarketing.fr/Glossaire/ : le site des professionnels du marketing
- http://jd.apec.fr/ : l’Apec, Agence Pour l’Emploi des Cadres est le partenaire des entreprises pour le recrutement de leurs cadres, et accompagne les cadres à toutes les étapes de leur vie professionnelle.
Références :
[1] Claude Chinardet, Le Trade Marketing, Les éditions d’oganisation, 1994, p53
[2] Alferd et Annie Zeyl, Le Trade Marketing ou la nouvelle logique des échanges producteurs distributeurs, Vuibert, 1996
[3] J. Lendrevie, J. Lévy et D. Lindon, Le Mercator, 8e édition, Dunod, 2006
[4] EDI : Echange de Données Informatisées
[5] Efficient Consumer Response : efficacité et réactivité au service du consommateur
[6] LSA, Casino et L’Oréal luttent contre les rutpures, n°1994, 19/04/2007[7] Gaudérique Paris et Dominique Mouton, Pratique du Merchandising, 2e édition, Dunod, 2007, p 10
[8] Serge Cogitore, Le Category Management : Comment optimiser sa stratégie commerciale en gérant des catégories de produits, Dunod, 2003
[9] http://www.emarketing.fr/Glossaire/ : le site des professionnels du marketing
[10] http://jd.apec.fr/ : l’Apec, Agence Pour l’Emploi des Cadres est le partenaire des entreprises pour le recrutement de leurs cadres, et accompagne les cadres à toutes les étapes de leur vie professionnelle.
[11] Marketing Magazine N°44 du 1er novembre 1999, Profession Category Manager, propos recueillis par Léna Rose.
[12] LSA n°1810 du 17 avril 2003, Responsable de catégorie, un sport d’équipe, Philippe Le Corroler
[13] La tribune, les « category manager » émergent dans les entreprises, Sandrine L’Herminier, 30/07/2003[14] Claude Chinardet, Le Trade Marketing, Les éditions d’oganisation, 1994[15] PLV : Publicité sur Lieu de Vente